ISABELLE CÔTÉ, Université Simon Fraser
RÉSUMÉ. Dans le cadre de notre recherche doctorale et dans le contexte actuel de réconciliation, nous nous intéressons aux défis et aux réussites liés à l’intégration des perspectives autochtones dans la formation des maitres et dans les programmes d’études (maternelle-12eannée) de la Colombie-Britannique. Cela nous a amenée à faire une première recension des écrits en anglais et en français sur les recherches menées au Canada. Dans cet article, nous présentons les résultats de cette recension des écrits en mettant l’accent sur les défis et les réussites communs et distincts rencontrés dans les programmes de formation des maitres et dans les programmes d’études (M-12). Quatre défis communs ressortent de l’analyse des résultats : (1) des connaissances très limitées de l’histoire coloniale du Canada, (2) les difficultés d’une réflexion critique sur la décolonisation de l’éducation, (3) l’ajout parfois artificiel des perspectives autochtones dans les programmes d’études et dans la formation et (4) le manque de ressources matérielles et humaines. Du côté des réussites, deux ont émergé de l’analyse des résultats : (1) l’importance de la création et de la redéfinition des relations avec les communautés autochtones, les Ainés et les alliés, et (2) l’utilisation de la littérature comme porte d’entrée à l’intégration des perspectives autochtones dans les programmes. Les résultats montrent également deux défis distincts : (1) le besoin de formation continue dans les programmes scolaires (M-12) et (2) la question de la légitimité des éducateurs allochtones dans la formation des maitres.
ABSTRACT. In the current context of Reconciliation, this doctoral research aims to understand the successes and challenges of integrating Indigenous perspectives in teacher education and K-12 programs in British Columbia. A literature review of Canadian-based research was curated to include in both English and French sources. The results of this review are presented herein and focus on both the common and distinct successes and challenges found in integrating Indigenous perspectives within teacher education and K-12 programs. The analysis yielded four common challenges: (1) a very limited knowledge of Canada’s colonial history; (2) difficulties engaging in critical reflection on decolonizing education; (3) the sometimes artificial addition of Indigenous perspectives in curricula; and (4) a lack of material resources and manpower. In terms of common successes, (1) an emphasis on creating and redefining relationships with Indigenous communities, Elders, and allies; and (2) the use of literature as a gateway were both observed as a means of integrating Indigenous perspectives into the two programs. The results also found two distinct challenges in said programs: (1) the need for in-service professional development (K-12 programs), and (2) the question of legitimacy regarding non-Indigenous instructors in teacher education.
Mots-clés : perspectives autochtones, éducation, réconciliation, décolonisation, formation des maitres, formation continue.
INTRODUCTION
Dans le contexte de la réconciliation au Canada, les questions en éducation prennent un angle nouveau pour les Canadiens allochtones[i]. En effet, la publication du rapport de la Commission vérité et réconciliation (CVR, 2015) a créé un effet catalyseur sur les questions touchant à des domaines clés tels que la justice, la santé et l’éducation. Le mandat de cette commission est double. D’une part, elle vise à informer les Canadiens sur les torts subis par les Autochtones[ii]dans les pensionnats canadiens et les séquelles intergénérationnelles qui y sont liées. D’autre part, elle veut inspirer un processus de réconciliation « au sein des familles autochtones, et entre les Autochtones et les communautés allochtones, les Églises, les gouvernements et les Canadiens en général », et ce, dans une optique de renouvèlement des relations sur la base d’un respect mutuel (CVR, 2015, p. 37). Dans le contexte de la formation des maitres et des programmes scolaires (M-12), nous nous intéressons particulièrement aux questions liées à l’éducation et à ce que signifie un renouvèlement des relations entre les peuples autochtones et non-autochtones dans ce domaine. Cela est d’autant plus important puisque, selon le juge Sinclair (2012; CVR, 2015), si l’éducation joue un rôle fondamental dans le processus d’assimilation culturelle des peuples autochtones du Canada, c’est également parl’éducation que peut être entamé le processus de réconciliation nationale. En effet, pour qu’il y ait une réelle réconciliation au Canada, un long processus de décolonisation de l’éducation doit s’opérer (Battiste, 2013; CVR, 2015) ; plusieurs chercheurs et éducateurs s’entendent d’ailleurs pour dire que la décolonisation de l’éducation n’est pas que pour les Canadiens-autochtones, mais bien pour tous les Canadiens (Battiste, 2013; Dion, 2009; Regan, 2010; Scully, 2015; Styres, 2017; Tupper, 2011).
En Colombie-Britannique (C.-B.), une des approches à la réconciliation en éducation est l’intégration des perspectives autochtones dans les programmes de formation des maitres (depuis 2012) et, depuis 2016, dans les programmes scolaires (M-12) (British Columbia Ministry of Education, 2016). Dans le cadre de notre recherche doctorale, nous souhaitons notamment répondre à la question suivante : quels sont les défis rencontrés et les réussites observées dans l’intégration des perspectives autochtones dans la formation des maitres et les programmes scolaires (M-12)? Dans notre démarche de recherche, nous avons remarqué le manque de synthèse des connaissances sur cette thématique. L’objectif de cet article est donc de présenter les résultats d’une première recension des recherches menées en français et en anglais au Canada sur l’intégration des perspectives autochtones dans la formation des maitres et dans les programmes scolaires (M-12). Dans la première partie de cet article, nous définissons tout d’abord deux concepts : les perspectives autochtones et la décolonisation. Ensuite, nous présentons la méthodologie de notre recension des écrits ; suivront les résultats des recherches en formation initiale et dans les programmes scolaires (M-12). Puis, dans la section des résultats, nous discutons les défis et les réussites qui sont communs et distincts au programme de formation des enseignants et aux programmes scolaires (M-12). Nous terminons avec une discussion qui explorent certaines pistes de recherche.
REPÈRES CONCEPTUELS
Lorsqu’on parle de décolonisation de l’éducation, on se réfère à « la recherche de la déconstruction des structures idéologiques, législatives, opérationnelles, textuelles et [des] autres formes de structures institutionnalisées qui maintiennent l’inégalité dans les relations de pouvoir entre les Autochtones du Canada et les Canadiens non-autochtones » [traduction libre] (Binda et Calliou, 2001, p. 2). Dans les programmes de formation des maitres et dans les programme scolaires (M-12), la décolonisation est, d’une part, la reconnaissance que le système d’éducation canadien a été fondé pour renforcer la place des Allochtones dans le projet de colonisation du Canada (Battell Lowman et Barker; 2015; Battiste, 2013; Donald, 2009; Regan, 2010; Tupper, 2014). D’autre part, la décolonisation de l’éducation demande à ce que les Allochtones passent d’un positionnement « d’apprendresur » à « apprendre des » Autochtones (Battiste, 2013; Binda et Caillou, 2001; Dion, 2009; Donald, 2009; Regan, 2010; Smith, 2001; Styres, 2017; Tanaka, 2016).
Pour passer d’un apprentissage surles Autochtones à un apprentissage de leurs savoirs, il est nécessaire d’intégrer leurs perspectives[iii]dans la formation des maitres et dans les programmes d’étude (M-12). Comment dès lors définir les perspectives autochtones? Il existe en effet différentes manières de conceptualiser l’épistémologie autochtone, et elles peuvent différer entre nations (BC Ministry of Education, 2016). Cela dit, toutes sont profondément ancrées dans « l’interconnectivité entre les dimensions physiques, mentales, émotionnelles et spirituelles de l’individu avec les êtres vivants, la Terre, les étoiles et l’univers » [traduction libre] (Lavallée, 2009, p. 23 cité dans Battiste, 2013, p. 75). Une autre manière de concevoir l’épistémologie autochtone est de comprendre son approche holistique de l’éducation, fondée sur multiples relations : la relation entre la pensée linéaire et l’intuition, entre le corps et l’esprit, entre les différents domaines de connaissances, entre l’individu et sa collectivité, entre le moi et l’Autre (Smith, 2001). En d’autres mots, l’interconnectivité et les relations sont au cœur des savoirs autochtones (Battiste, 2013; First Nation Education Steering Committee, 2016; Styres, 2017).
MÉTHODOLOGIE
Pour procéder à notre recension de la littérature, nous avons choisi de faire une recherche de type documentaire (Gauthier et Bourgeois, 2016; Karsenti et Savoie-Zajc, 2011). Notre recherche s’est dès lors déroulée en quatre étapes. Premièrement, nous avons fait une recherche en français ainsi qu’une recherche en anglais, afin de faire ressortir les études menées dans les deux langues du Canada. Ensuite, nous avons lu les documents et les avons classés en deux catégories : les documents qui portent sur (1) la formation des maitres et (2) l’enseignement des perspectives autochtones dans les écoles (M-12). Puis, pour les deux catégories, nous avons analysé les thèmes et les avons regroupés en fonction des défis ou des réussites dans l’intégration des perspectives autochtones. Finalement, nous avons regroupé, d’un côté, les défis qui sont les mêmes dans la formation des maitres et dans les programmes d’études et, de l’autre, ceux qui sont uniques à l’un ou à l’autre de ces domaines.
Pour trouver les articles recensés, nous avons utilisé les bases de données de recherche francophones Repère, Erudit, Education Source(EBSCO) et ERIC (ProQuest) et avons utilisé les mots-clés suivants : décolonisation et éducation, décolonisation et enseignement, perspectives autochtones et éducation, perspectives autochtones et enseignement, réconciliation et éducation, réconciliation et enseignement, Autochtones et décolonisation, Autochtones et réconciliation, formation des maitres et réconciliation, formation des maitres et décolonisation, formation initiale et perspectives autochtones, formation continue et perspectives autochtones.Ensuite, sur les plateformes Education Source(EBSCO) et ERIC (ProQuest), nous avons fait la recherche en anglais, et ce, avec les mots-clés suivants : decolonization et Education, decolonization et teaching, Indigenous perspectives ou Aboriginal perspectives et teaching, reconciliation et education, reconciliation et teaching, Indigenous ou Aboriginal et decolonization, Indigenous ou Aboriginal et reconciliation, teacher education et reconciliation, teacher education et decolonization.
À partir des publications trouvées avec les mots-clés, nous avons retenu les articles de recherche qui traitent de l’intégration des perspectives autochtones dans la formation des maitres au niveau universitaire et dans les écoles (M-12) au Canada. Les critères de sélection que nous avons utilisés sont au nombre de quatre : les articles devaient (1) cibler le contexte canadien, (2) intégrer des perspectives autochtones dans un programme destiné à l’ensemble des élèves et des étudiants-maitres (et non seulement ciblé pour une population autochtone), (3) être publiés entre 2000 et 2018, et (4) inclure des études empiriques ou l’analyse d’autres documents tels que l’analyse documentaire de livres, de curricula provinciaux et de rapports. Nous avons toutefois écarté les mémoires, les thèses, les livres, les communications et les conférences, les articles culturels et les articles de journaux.
Nous avons choisi de filtrer les publications sur la période de 2000 à 2018 parce que l’intégration des perspectives autochtones dans la formation des maitres et des programmes scolaires (M-12) pour l’ensemble de la population est relativement récente au Canada. Dans cette perspective, nous n’avons également pas retenu des recherches telles que celles d’Allain, Demers et Pelletier (2016), Lavoie et Blanchet (2017) et Lavoie, Mark et Jenniss (2014) parce qu’elles traitent de l’intégration des perspectives autochtones dans l’apprentissage du français langue seconde dans des communautés autochtones. Ce qui nous intéresse dans notre recherche, c’est l’intégration des perspectives autochtones dans les programmes scolaires (M-12) et la formation des maitres pour tous les Canadiens. En terminant, nous trouvons important de souligner que les bases de données ne sont pas exhaustives. Nous avons donc retenu deux autres textes que nous connaissons et qui répondent à nos critères de sélection.
RÉSULTATS
Pour la recension des écrits, nous avons retenu 44 articles, un en français (DeRoy-Ringuette, 2018) et 43 en anglais. Pour ce qui est de l’intégration des perspectives autochtones dans la formation des enseignants, les résultats montrent que des recherches ont été menées dans plusieurs provinces au Canada, dont en C.-B., en Alberta, au Manitoba, en Saskatchewan, en Ontario et à Terre-Neuve/Labrador. Puisque l’intégration des perspectives autochtones dans la formation des maitres est assez récente, nous remarquons qu’un des principaux objectifs des publications est d’expliquer quelles sont les initiatives qui ont été prises dans diverses facultés d’éducation au pays. Nous pouvons constater que ces celles-ci varient d’un établissement à l’autre puisqu’il n’existe pas de modèle d’intégration des perspectives autochtones uniforme. Par exemple, les écrits expliquent que certaines facultés optent pour l’intégration d’un cours pour les étudiants-maitres (Butler, Ng-A-Fook, Vaudrin-Charette, et McFadden, 2015[iv]; Deer, 2013; Kerr , 2014; Kerr et Parent, 2015; Kitchen et Raynor, 2013; Hare, 2015; Marom, 2016; Nardozi, Restoule, Broad, Steele, et James, 2014; Schneider, 2015; Scully, 2012, 2015; Sterzuk, 2010; Taylor, 2014), d’autres offrent des cours thématiques en option (Kennedy, 2009; Tanaka et al., 2007), tandis que certains établissements adoptent un modèle d’infusion à travers tous les cours du programme de formation (Dénommé-Welch et Montero, 2014; Leddy et Turner, 2016; Tupper, 2011; Vetter et Blimkie; 2011). Deux autres recherches recensées se concentrent plus spécifiquement sur l’intégration des perspectives autochtones dans un cours de didactique des sciences humaines (den Heyer, 2009; Tupper, 2014). Finalement, une dernière recherche se penche sur la formation continue des formateurs (Korteweg, Gonzalez et Guillet, 2010).
Du côté de l’intégration des perspectives autochtones dans les programmes scolaires (M-12), nous avons répertorié sept articles portant sur la formation continue (Butler et al., 2015; Dion, 2007; Gebhard, 2017; Kanu; 2005; Root, 2010; Strong-Wilson, 2007; Wiltse, Johnston, et Yang, 2014), deux recherches sur le curriculum en général (St-Denis, 2011; Torres, 2010) et treize autres qui se concentrent plus spécifiquement sur l’intégration des perspectives autochtones dans les disciplines scolaires, dont les sciences humaines (Butler et al., 2015; Couture, 2017; Cutrara, 2018; Godlewska, Rose, Schaefli, Freake et Massey, 2017; McGregor, 2017), les sciences humaines et l’anglais (Hildelbrandt, K. et al., 2016; Tupper et Cappello, 2008), le français (DeRoy-Ringuette, 2018), les sciences (Betchel, 2016; Kim, 2015; Onuczko et Barker, 2012) et les mathématiques (Aikenhead, 2017; Russell et Chernoff, 2013). Puis, une dernière recherche porte plus spécifiquement sur l’intégration des perspectives autochtones dans du contenu pédagogique en ligne (Iseke-Barnes et Sakai, 2003).
À la lumière de ces premiers résultats, nous constatons qu’il n’y a presque pas de recherches menées en français, avec une seule publication sur les 44 textes recensés. Nous notons que la recherche sur l’intégration des perspectives autochtones est un champ de recherche qui s’est développé du côté anglophone au Canada, mais que beaucoup de travail reste à faire en français. Nous observons également qu’il y a presque autant de recherches menées au niveau de la formation des maitres (22 textes) que dans les programmes scolaires (M-12) (24 textes). Dans la section qui suit, nous présentons d’abord une synthèse des défis répertoriés dans la formation des maitres et dans les programmes scolaires (M-12). Nous nous focaliserons ensuite sur une synthèse des réussites dans la formation des maitres et dans les programmes scolaires (M-12).
Les défis communs dans la formation des enseignants et dans les écoles (M-12)
Le premier défi que soulève toutes les recherches est le manque flagrant, chez les étudiants-maitres et les enseignants, de connaissances générales sur l’histoire de la colonisation du Canada, des enjeux spécifiques aux communautés autochtones et des effets qui perdurent toujours aujourd’hui (Dion, 2007; Gebhard, 2017; Scully, 2012, 2015; Sterzuk, 2010; Strong-Wilson, 2007; Taylor, 2014). D’ailleurs, dans trois des études répertoriées (Denommé-Welch et Montero, 2014; Nardozi et al. 2014; Tupper, 2011), les chercheurs ont fait un sondage sur les connaissances et les attitudes générales des étudiants-maitres au début de leur formation ou de leur cours respectif ; les résultats montrent une méconnaissance généralisée, qui se traduit parfois par de l’anxiété et un malaise (Deer, 2013; Denommé-Welch, 2014; Kerr et Parent, 2015; Nardozi et al. 2014). Pour les enseignants, cette anxiété viendrait du fait qu’ils ont peur de faire des erreurs et d’exposer leur propre ignorance de l’histoire du Canada et des savoirs autochtones (Root, 2010). De plus, un aspect qui contribue au malaise chez les enseignants est qu’il existerait un flou par rapport à la définition même ce qu’on entend par « perspectives autochtones » (Onuczko et Barker, 2012),
Le deuxième défi relève de la difficulté des étudiants-maitres et des enseignants à s’engager dans une réflexion sur la décolonisation de l’éducation. En effet, la majorité des recherches qui portent sur l’intégration des perspectives autochtones dans la formation des maitres et les programmes scolaires font état des défis que rencontrent les étudiants-maitres et les enseignants allochtones, qui forment la majorité du corps enseignant au Canada, lorsqu’ils doivent réfléchir à la question de la dominance eurocentrée dans le système d’éducation (Den Heyer, 2009; Dénommé-Welch et Montero, 2014; Kerr et Parent, 2015; Nardozi et al. 2014; Schneider, 2015; Scully, 2015; Sterzuk, 2010; Strong-Wilson, 2007; Taylor, 2014; Tupper 2011). Pour les futurs enseignants et les enseignants, une des principales difficultés est de reconnaître que le curriculum n’est pas neutre. Tupper et Cappello (2008), citant les travaux d’Apple (1990, 1996), rappellent qu’historiquement, le curriculum a servi (et sert) toujours à établir, à enseigner et à défendre les structures sociale, culturelle et politique du groupe dominant. Selon Aikenhead (2017), Betchtel (2016), Onuczko et Barker (2012) et Russell et Chernoff (2013), cela est d’autant plus présent chez les enseignants de mathématiques et de sciences, qui perçoivent les connaissances scientifiques comme étant « neutres » et n’accordent que très peu de valeur aux savoirs autochtones.
Dans un contexte de décolonisation de l’éducation, selon la recherche, il est important d’entamer une réflexion sur le privilège des Allochtones et leur position d’occupants du territoire auprès des étudiants-maitres et des enseignants (Kerr, 2014; Nardozi et al. 2014; Root, 2010; Scully, 2015; Strong-Wilson, 2007; Tupper, 2014). D’ailleurs, St-Denis (2011) analyse comment le discours sur le multiculturalisme renforce en fait la position du discours dominant dans l’éducation. En effet, plusieurs enseignants ne comprendraient pas les raisons pour lesquelles, dans une société multiculturelle, les élèves devraient avoir des interventions pédagogiques particulières sur les perspectives autochtones puisque les Autochtones sont souvent perçus comme une minorité culturelle parmi les autres. D’après les études, cela résulterait du discours sur le multiculturalisme dans lequel sont évacuées les questions importantes liées à l’occupation du territoire (St-Denis, 2011; Kerr 2014; Tupper, 2011).
Le troisième défi qui ressort des résultats est l’ajout parfois superficiel des perspectives autochtones dans les programmes d’études en formation des enseignants et dans les curricula scolaires (M-12). Selon Deer (2013) et Kerr et Parent (2015), il peut être dangereux d’intégrer superficiellement les perspectives autochtones au curriculum existant sans à prime abord déconstruire la position eurocentrée des savoirs qui y sont véhiculés. Par exemple, dans une recherche menée sur le curriculum de sciences en Ontario, Kim (2015) fait ressortir que les savoirs autochtones sont présentés comme des savoirs culturels et non pas scientifiques. Cela contribuerait à renforcer le discours dominant de la « supériorité » des connaissances scientifiques eurocentrées. D’autres recherches en sciences humaines montrent comment les perspectives autochtones demeurent toujours en marge du discours officiel de l’histoire canadienne (Butler et al., 2015; Cutrara, 2018; Godlewska et al., 2017; McGregor, 2017). Toutefois, des chercheurs avancent que si l’intégration des perspectives autochtones est bien enseignée, l’expérience d’apprentissage des élèves autochtones et allochtones s’en trouve enrichie (Aikenhead, 2017; Betchtel, 2016; DeRoy-Ringuette, 2018; Russell et Chernoff, 2013; Torres, 2010). Dans cette optique, Betchel (2016) soutient que l’arrimage des connaissances eurocentrées et autochtones peuvent amener des solutions aux problèmes environnementaux auxquels le Canada fait face aujourd’hui. Par exemple, dans sa recherche, l’auteur(e) présente les enjeux de la gestion des troupeaux de caribous dans le nord de l’Alberta. En alliant les connaissances des Ainés autochtones et des chercheurs allochtones, il/elle a remarqué qu’il était possible d’envisager de meilleures solutions pour la protection des caribous.
Le quatrième défi qu’expose la recherche est le manque de ressources matérielles et humaines pour pouvoir bien intégrer les perspectives autochtones. Par exemple, Deer (2013) soulève le manque d’accès aux ressources comme une source d’inquiétude pour les étudiants-maitres. De leur côté, les enseignants soulignent également qu’il y a un besoin criant de ressources adaptées à différentes matières scolaires ainsi qu’à différents niveaux, ce qui rend l’intégration des perspectives autochtones plus difficile à faire lors de la planification (Aikenhead, 2017; Betchel, 2016; Couture, 2017; Kanu 2005; Onuczko et Barker, 2012; Russell et Chernoff, 2013). Par ailleurs, il est important de noter que dans certains cas, les ressources existantes contribueraient à renforcer le discours colonial, au lieu d’intégrer les perspectives autochtones de manière authentique (Iseke-Barnes et Sakai, 2003).
En plus des ressources pédagogiques, les enseignants et les formateurs commentent le besoin de ressources humaines, c’est-à-dire des contacts avec des communautés et des Ainés autochtones qui pourraient appuyer l’intégration des perspectives autochtones dans différentes matières, dans les écoles et à la formation des enseignants (Betchel, 2016; Butler et al., 2015; Couture, 2017; Onuczko et Barker, 2012; Root, 2010).
Défi spécifique à la formation des maitres
Un défi beaucoup plus explicité dans la recherche sur la formation des enseignants est celui du sentiment de légitimité des formateurs allochtones (Hare, 2015; Kerr, 2014; Marom, 2016; Scully, 2015). L’insécurité de ces derniers qui enseignent le cours sur l’intégration des perspectives autochtones provient principalement du questionnement des étudiants-maitres au sujet de l’authenticité des connaissances de leur formateur. Kerr (2014) et Scully (2015), deux formatrices allochtones alliées[v], abordent comment elles doivent expliciter leur démarche et reconnaissent, auprès de leurs étudiants, leurs propres privilèges dans le contexte colonial canadien. Elles doivent modeler avec les étudiants-maitres comment créer un espace interculturel où elles déconstruisent et reconstruisent leurs savoirs. De son côté, Marom (2016) s’engage dans une réflexion critique sur sa propre expérience comme canadienne d’origine immigrante et nouvelle occupante du territoire ainsi que son rôle comme enseignante à la formation des maitres. Marom (2016) en conclut que la manière de gérer les tensions liées à son identité est de les exposer explicitement aux étudiants-maitres. Selon Hare (2015), avoir des instructeurs allochtones alliés est important pour que les étudiants-maitres non-autochtones puissent voir qu’il est possible d’apprendre et de comprendre les perspectives autochtones sans être soi-même autochtone.
Défi spécifique au contexte scolaire (M-12)
Un défi soulevé du côté des programmes scolaires (M-12) est le besoin de formation continue des enseignants. Le développement de ressources matérielles ne suffirait pas sans formation adéquate (Aikenhead, 2017; Betchel, 2016; Gebhard, 2017; Kanu; 2005; Root, 2010; Russell et Chernoff, 2013). Dans certains cas, ce manque de formation se traduit par des enseignants qui, sans s’en rendre compte, renforcent le discours colonial au lieu de le déconstruire (Gebhard, 2017). Pour une intégration réussie des perspectives autochtones, la formation continue resterait essentielle puisque la décolonisation de l’éducation est un processus long et complexe (Kerr, 2014; Root, 2010).
Les réussites communes dans la formation des enseignants et dans les écoles (M-12)
La première réussite observée dans les recherches est l’établissement de relations avec des communautés autochtones, des Ainés et des alliés allochtones. En effet, plusieurs recherches présentent la rencontre avec des Ainés autochtones et montrent que cela semble avoir eu un grand impact sur les représentations des étudiants-maitres (Butler et al., 2015; Hare, 2015; Kennedy, 2009; Kitchen et Raynor, 2013; Nardozi et al. 2014; Schneider, 2015; Scully, 2015; Tanaka et al., 2007; Vetter et Blimkie, 2011), et des enseignants et leurs élèves (Betchel, 2016; Butler et al. 2015; Hildelbrandt et al. 2016; Root, 2010; Tupper et Cappello, 2008). Pour plusieurs d’entre eux (étudiants-maitres, enseignants et élèves), c’était la première fois qu’ils rencontraient un Ainé ou qu’ils allaient dans une communauté autochtone (Butler et al., 2015).
Dans sa recherche, Root (2010) a découvert que la rencontre d’alliés allochtones a été aussi importante pour les participants que la rencontre des Ainés autochtones. En effet, le processus de décolonisation de l’éducation est complexe, voire difficile. Reconnaitre le rôle de l’éducation dans le génocide culturel des Autochtones (CVR, 2015) et les structures coloniales qui existent toujours au Canada peut soulever plusieurs émotions chez les enseignants allochtones. Pour eux, avoir des collègues allochtones qui comprennent ces émotions est rassurant. De plus, les alliés allochtones peuvent accompagner les enseignants dans l’intégration des perspectives autochtones dans les programmes d’études, ainsi que gérer avec eux les erreurs et les difficultés qui viennent avec ces changements. Ces résultats de la recherche de Root (2010) font d’ailleurs écho aux recherches menées à la formation des maitres sur l’importance d’avoir des modèles d’éducateurs allochtones dans le processus de décolonisation de l’éducation (Hare, 2015; Kerr, 2014; Marom, 2016; Scully, 2015).
Une autre manière d’aborder les relations entre les Autochtones et les Allochtones est l’enseignement critique de l’histoire des traités chez les étudiants-maitres, les enseignants et les élèves. Dans les études menées avec des étudiants-maitres (Tupper, 2011, 2014), et des enseignants et des élèves (Tupper et Cappello, 2008; Hildebrandt et al., 2016), les résultats montrent un début de déconstruction du discours dominant de l’histoire canadienne sur la colonisation de « vastes territoires inoccupés ». Étudier les traités de près amènerait une redéfinition chez les étudiants-maitres, les enseignants et les élèves relations entre Autochtones et Allochtones dans le contexte de décolonisation et de réconciliation.
Une autre approche pour aborder les questions de relations entre Autochtones et Allochtones est la pédagogie du lieu (place-based education). Celle-ci est ancrée dans le territoire où se trouvent les apprenants en prend appui sur l’environnement et les perspectives autochtones de cet environnement. Les résultats des recherches menées par Hare (2015), Root (2010) et Scully (2012, 2015) montrent que la pédagogie du lieu est une porte d’entrée efficace pour enseigner les perspectives autochtones aux étudiants-maitres, aux enseignants et aux élèves, qui apprennent donc à voir le territoire sous un nouvel angle. La redéfinition des relations avec le territoire amène à redéfinir les relations avec les communautés autochtones et à mieux comprendre leurs perspectives.
La seconde réussite commune dans la formation des enseignants et dans les écoles (M-12) est l’utilisation de la littérature comme porte d’entrée aux discussions permettant l’intégration des perspectives autochtones et la décolonisation de l’éducation dans la formation des maitres (Dénommé-Welch et Montero, 2014; Taylor, 2014), la formation continue des formateurs (Korteweg, Gonzalez et Guillet, 2010) et la formation continue des enseignants (Dion, 2007; Strong-Wilson, 2007; Wiltse et al., 2014). Les résultats des différentes recherches montrent que la littérature se prête bien aux réflexions sur les représentations et l’enseignement des savoir traditionnels liés à la terre, à l’identité et à la langue. Par exemple, DeRoy-Ringuette (2018) avance qu’une meilleure intégration de la littérature de jeunesse autochtone en salle de classe est une façon d’ouvrir le chemin de la réconciliation puisque les élèves autochtones se voient ainsi représentés à l’école, tandis que les élèves allochtones apprennent et comprennent mieux les cultures et les perspectives autochtones. En ce sens, la littérature contemporaine autochtone offre une fenêtre pour les étudiants-maitres, les formateurs, les enseignants et les élèves pour contrer les stéréotypes et préjugés associés aux Autochtones (Wiltse et al., 2014).
Réussite spécifique à la formation des maitres
Une des réussites observées seulement à la formation des maitres est l’enseignement expérientielle des principes d’apprentissage autochtones. Les recherches de Tanaka et al. (2007) et Kennedy (2009) portent chacune sur un cours thématique offert à la faculté d’éducation d’une université en C.-B : un premier cours sur la sculpture Lekwungen et Loekwelthout d’un mât totémique (Tanaka et al., 2007) et un second sur la musique traditionnelle autochtone (Kennedy, 2009). Dans les recherches, les résultats sont semblables : les participants témoignent du pouvoir transformateur de l’apprentissage expérientiel d’une pédagogie autochtone.
Sans être ancré dans un projet spécifique tel que le mât totémique ou la musique traditionnelle, Schneider (2015), éducatrice autochtone à la formation des maitres, conceptualise son cours sur le principe autochtone Ucwalmicw, principe ancré dans les relations avec soi et les autres. De leur côté, Leddy et Turner (2016) ont basé leur cours sur les sept principes d’apprentissage autochtones développés par des Ainés en C.-B (FNESC et FNSA, 2018[vi]), qui inclut, entres autres, les concepts d’identité et de relations et du territoire. Selon Leddy et Turner (2016), la mise en pratique des sept principes d’apprentissage autochtones, par l’entremise d’activités pédagogiques, semble être la meilleure façon d’enseigner ce que veulent dire les principes d’apprentissage autochtones. Dans une autre recherche menée par Kitchen et Raynor (2013), les chercheurs ont développé le cours en se basant sur la roue médicinale. Les résultats de la recherche montrent que les étudiants-maitres ont bénéficié de la conceptualisation de ce cours autour de la roue médicinale dans leur compréhension de l’enseignement des perspectives autochtones. Selon Kennedy (2009), Kitchen et Raynor (2013), Leddy et Turner (2016), Schneider (2015) et Tanaka et al. (2007), les étudiants-maitres apprennent les principes d’apprentissage autochtones lorsqu’ils sont vécus, ancrés de manière expérientielle dans les cours, et non pas enseignés strictement en tant que contenus cloisonnés.
DISCUSSION
Les résultats du corpus étudiés en formation initiale et en contexte scolaire (M-12) nous ont permise de faire ressortir plus clairement quatre défis : 1) le manque de connaissances de l’histoire coloniale du Canada, 2) la résistance sur les questions de décolonisation de l’éducation, 3) les défis liés à l’ajout superficiel des perspectives autochtones dans les programmes d’études et 4) le besoin de ressources matérielles et humaines. Du côté des réussites, deux ont émergé de l’analyse des résultats, soit (1) l’importance de la création ou la redéfinition des relations avec les communautés autochtones, les Ainés et les alliés, et (2) l’utilisation de la littérature comme porte d’entrée à l’intégration des perspectives autochtones dans les programmes. À la lumière des résultats sur l’intégration des perspectives autochtones dans les programmes de formation des maitres et dans les programmes scolaires (M-12), nous proposons de nous arrêter aux différences notées dans les résultats au niveau des défis et des réussites puisqu’elles offrent des pistes de recherches sur des lacunes qui nous paraissent pertinentes.
Comme nous l’avons présenté dans les résultats, le manque de formation continue chez les enseignants dans les programmes scolaires (M-12) est un défi que plusieurs études ont cerné (Aikenhead, 2017; Betchel, 2016; Gebhard, 2017; Kanu 2005; Root, 2010; Russell et Chernoff, 2013; Wiltse et al., 2014). De plus, plusieurs études sur la gestion des changements en éducation montrent que la formation continue est essentielle à la mise en place de réformes (Carpentier, 2012; Darling-Hammond, 2009; Hargreaves, 2009; Rey, 2016). Toutefois, du côté de la formation continue des éducateurs dans les programmes de formation des maitres, nous constatons une lacune dans les connaissances scientifiques, avec une seule recherche répertoriée à ce sujet (Korteweg et al., 2010). Cela nous parait d’autant plus urgent que l’Association canadienne des doyens et doyennes d’éducation (ACDE), dans son renouvèlement de l’Accord sur la formation initiale à l’enseignement (2017), inclut une des recommandations explicites de la CVR pour les programme de formation des maitres ; elle « reconnait [donc] la centralité de la terre dans la vision et les enseignements autochtones, respecte les droits inhérents et la souveraineté des Autochtones, et soutient les Appels à l’action de la Commission Vérité et Réconciliation du Canada » [traduction libre] (p. 4)[vii]. Une première piste de recherche serait donc de mener des études sur la formation continue chez les formateurs dans les programmes de formation des maitres pour mieux comprendre comment se gèrent ces changements dans la pratique dans les facultés d’éducation.
Une seconde piste de recherche serait d’analyser les manières dont les enseignants du système scolaire (M-12) intègrent l’apprentissage expérientiel des principes d’apprentissage autochtones. Du côté de la formation initiale, notre recension montre que l’apprentissage expérientiel des principes d’apprentissage autochtones semblent porter fruit chez les étudiants-maitres (Kennedy, 2009; Kitchen et Raynor, 2013; Leddy et Turner, 2016; Schneider, 2015; Tanaka et al., 2007). Cela dit, nous remarquons un manque de publication sur des pratiques semblables dans le contexte des programmes scolaires (M-12).
Une troisième piste de recherche serait d’explorer le rôle des alliés allochtones dans le processus de décolonisation de l’éducation dans les programmes scolaires (M-12). Nous faisons écho aux propos de Root (2010), qui reconnait ce défi en éducation. Elle affirme qu’il y a très peu d’écrits sur le processus de décolonisation des éducateurs allochtones. Nous nous demandons donc comment les alliés allochtones gèrent les tensions qui émergent du fait qu’ils sont des occupants du territoire tout en voulant ouvrir le dialogue et construire des relations avec les communautés autochtones. Comment les alliés allochtones peuvent-ils être des acteurs importants de changements au sein des écoles et les programmes de formation? Bien que l’importance de leur rôle soit mentionnée en contexte de formation des maitres (Hare, 2015; Kerr, 2014; Marom, 2016; Scully, 2015), une lacune importante existe au niveau des recherches dans les programmes scolaires (M-12).
Une dernière piste de recherche repose sur le constat qu’il n’existe presque pas de recherche en français. Comme nous l’avons vu dans la section sur les résultats, avec nos critères de sélection, nous avons retenu un total de 44 articles, dont seulement un est en français. En effet, la recherche de DeRoy-Ringuette (2018) est la seule qui a été menée en français dans l’optique d’une intégration des perspectives pour l’ensemble des élèves, et ce, par le biais de la littérature autochtone. Cela nous amène à nous questionner quant aux raisons de cette absence de recherches faites, autant en contexte francophone majoritaire (Québec) que minoritaire (hors-Québec). On pourrait effectivement se questionner par rapport aux défis qui sous-tendent l’intégration des perspectives autochtones en contexte francophone. Voici donc quelques questions de recherches qui pourraient être explorées : en milieu minoritaire francophone, y-a-t-il des défis particuliers pour l’intégration des perspectives autochtones tout en jonglant avec les questions de la construction identitaire (Fédération culturelle canadienne française, 2009)? De quelles manières est-ce que la formation des maitres en milieu minoritaire prépare-t-elle les étudiants-maitre à l’intégration des perspectives autochtones? De quelles manières les Appels à l’action (CVR, 2015) sont-ils gérés au niveau des programmes scolaires et à la formation des enseignants en contexte majoritaire?
CONCLUSION
Cette recension des écrits sur l’intégration des perspectives autochtones dans les programmes de formation des maitres et dans les programmes scolaires (M-12) nous permet de conclure qu’un travail important a été entamé dans les recherches menées en anglais au Canada depuis près de 20 ans. Du côté des recherches menées en français (en contexte majoritaire et minoritaire), le champ de recherche reste à développer. Avec une seule publication en français d’une recherche portant sur l’intégration des perspectives autochtones pour le niveau élémentaire (DeRoy-Ringuette, 2018), nous concluons que ce champ de recherche reste entièrement à défricher. Dans la foulée des Appels à l’action (CVR, 2015) et les demandes de décolonisation de l’éducation pour tous les Canadiens, il y a d’abord un grand besoin de se pencher sur ce qui est fait (ou non) en milieu francophone minoritaire et majoritaire dans la formation des maitres, la formation continue des enseignants ainsi que dans les programmes scolaires (M-12).
Les différences de défis et de réussites que nous avons observés dans les résultats nous ont amenée à réfléchir à de futures pistes de recherche qui comblerait des lacunes dans les connaissances sur la thématique étudiée. D’abord, nous constatons un besoin de meilleures connaissances sur la formation continue des formateurs dans les programmes de formation des maitres. Ensuite, nous remarquons l’importance de mieux comprendre le rôle des éducateurs allochtonesalliés dans le processus de décolonisation de l’éducation dans les programmes scolaires (M-12). Puis, nous trouvons prometteuse l’exploration des initiatives, des projets et des programmes incluant l’apprentissage expérientiel des principes d’apprentissage autochtones dans les écoles (M-12).
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[i]Dans le cadre de cette recherche, le terme allochtone se réfère à tous les Canadiens qui ne sont pas autochtones, c’est-à-dire, aux descendants des premiers colonisateurs européens ainsi que tous ceux qui sont arrivés au Canada après la colonisation en tant que immigrants ou réfugiés.
[ii]Pour ne pas alourdir le texte, nous utiliserons le terme autochtonepour nous référer aux Premières nations, aux Autochtones non reconnus comme Premières nations, aux Métis et aux Inuits du Canada.
[iii]Root (2010) rappelle que les « perspectives autochtones » sont aussi reconnues comme « des visions du monde, des savoirs autochtones et des savoirs traditionnels » [traduction libre] (p. 105)
[iv]L’article de Butler et al. (2015) est divisé en sections qui traitent différents aspects de l’intégration des perspectives autochtones dans les programmes de formation des maitres et dans les programmes scolaires. Cela explique pourquoi il est mentionné dans trois catégories dans l’analyse des résultats dont une fois dans la formation des maitres et deux autres fois dans les programmes scolaires (M-12). Cela explique que la recension des écrits est de 44 textes, mais lorsque nous les catégorisons, nous avons un total de 46 textes.
[v]Les alliés allochtones sont des Canadiens qui travaillent avec les Autochtones dans le processus de décolonisation (Regan, 2010; Root, 2010).
[vi]FNESC et FNSA ont ajouté deux autres principes d’apprentissage autochtones. Dans la publication de 2018, nous en trouvons dorénavant neuf et non plus sept (p. 11). Les neuf principes d’apprentissage sont les suivants [Traduction libre du bureau et des programmes de services en français de la Fédération des enseignants de la Colombie-Britannique] :
- L’apprentissage prend en compte le soutien, le bien-être de l’individu, de la famille, de la communauté, de la terre, des esprits et des ancêtres ;
- L’apprentissage est holistique, réfléchi, révélateur, expérientiel et relationnel (axé sur la connectivité, les relations réciproques et le sentiment d’appartenance) ;
- L’apprentissage consiste à reconnaitre les conséquences de ses actes ;
- L’apprentissage reconnait le rôle des connaissances autochtones ;
- L’apprentissage est ancré dans la mémoire, dans l’histoire et dans les récits ;
- L’apprentissage implique de la patience et du temps ;
- L’apprentissage requiert de la patience et du temps ;
- L’apprentissage requiert l’exploration de sa propre identité ;
- L’apprentissage consiste à reconnaitre que certaines connaissances sont sacrées et peuvent être seulement partagées avec la permission de qui de droit ou dans certaines situations.
[vii]La raison pour laquelle nous avons dû traduire cette citation est que dans la version française, il n’y a aucune mention des Autochtones ni de la CVR (ACDE, 2017). Nous sommes assez perplexe sur le pourquoi de cette différence entre la version française et anglaise de l’Accord sur la formation initiale à l’enseignement. Cette question devrait d’ailleurs être investiguée de plus près.