L’enseignement du français chez les Premières Nations d’hier à aujourd’hui : défis didactiques, pratiques pédagogiques et compétence plurilingue

Volume 2(1): 2018

NANCY CRÉPEAU, Université d’Ottawa

CAROLE FLEURET, Université d’Ottawa

RÉSUMÉ

Le développement de compétences langagières en langue de scolarisation chez les élèves de communautés linguistiques minoritaires demeure un facteur important de réussite scolaire. Cette réussite scolaire peut notamment se concrétiser par un enseignement de la langue de scolarisation qui tienne compte du répertoire langagier des élèves dans leur langue d’origine. En dressant le portrait sociolinguistique des Premières Nations au Québec et un état des lieux des pratiques d’enseignement du français depuis la scolarisation obligatoire, nous analyserons les fondements pédagogiques à l’origine des pratiques actuelles. Ces pratiques éducatives, qui font abstraction du répertoire langagier des élèves, limitent leur réussite scolaire et le développement d’une compétence plurilingue (Auger, 2013). À cet effet, nous discuterons des défis relatifs au développement de la compétence plurilingue chez des élèves au regard de la langue de scolarisation en prenant appui sur l’avancée des recherches en langue seconde qui sont dans la lignée des travaux fondateurs de Cummins (1979) relativement à l’hypothèse de l’interdépendance. Nous terminerons cet article en examinant quelques pistes favorisant, d’une part, la mise en valeur du répertoire langagier des élèves et, d’autre part, le transfert d’une langue à l’autre, aspect essentiel dans l’apprentissage de la langue de scolarisation et le développement de leurs compétences en litéracie.

ABSTRACT

The development of linguistic competency in the language of schooling remains an important factor for the academic achievement of minority communities. Educational practices, which ignore students’ language repertoires, limit such academic achievement and hinder the development of their plurilingual competence (Auger, 2013). Academic success, therefore, can be achieved by teaching the language of schooling while taking into account the students’ language repertoires. A description of the sociolinguistic profile of First Nations in Québec and a presentation of the French language teaching practices employed since the introduction of mandatory schooling will enable an analysis of current pedagogical practices. A discussion of the challenges students faced in the development of their plurilingual competence, with regard to the language of schooling, will also be examined through the theoretical second language learning lens of Cummins’ (1979) interdependence hypothesis. We will conclude by examining potential avenues that foster the development of students’ language repertoires and that discuss language transfer–an essential aspect of language learning and literacy development.

Mots-clés : peuples autochtones, français de scolarisation, enseignement, compétence plurilingue, répertoire langagier.

Introduction

Les peuples autochtones au Canada sont reconnus par la Loi constitutionnelle de 1982, qui les définit selon trois groupes distincts : les Indiens (appelés également « Premières Nations »), les Métis et les Inuits (Affaires autochtones et Développement du Nord Canada [AADNC], 2017). Selon le recensement de 2011, les personnes ayant une identité autochtone représentaient 4,3 % de la population canadienne, soit 1 400 685 individus. De ce nombre, au Québec, 141 915 personnes ont déclaré être autochtones (1,8 % de la population) (Statistique Canada, 2011a). Ce groupe est jeune et connaît une forte croissance démographique : entre 2006 et 2011, on note une augmentation de 20,1 %, comparativement à 5,2 % pour la population canadienne. Pour les Premières Nations, cette progression se chiffre à 22,9 % (Statistique Canada, 2013a). Sur le plan linguistique, au Canada, 22 % des Premières Nations ont déclaré être capables de soutenir une conversation dans une langue autochtonei (Statistique Canada, 2013b). Cette proportion est inférieure à celle du recensement de 2006, et ce, de 5,6 points. Malgré cette diminution, plus de 60 langues autochtones sont encore parlées. Chez les Autochtones, 20,9 % ont déclaré avoir une de ces langues autochtones comme langue maternelleii ; la proportion la plus élevée de ces personnes se trouve au Québec (Statistique Canada, 2012). De plus, la proportion de locuteurs autochtones au Québec capables de soutenir une conversation en langue ancestraleiii est supérieure au reste du Canada (soit près du tiers, contre 17 %). Chez les Premières Nations, ce pourcentage est de 41,7 % au Québec, contre 22 % au Canada (Statistique Canada, 2011a).

PROBLÉMATIQUE

Avant d’aborder le développement des compétences langagières des élèves des Premières Nations, il nous faut d’abord présenter brièvement le contexte sociolinguistique dans lequel ils évoluent ainsi que le statut conféré au français au sein des communautés. Nous présenterons brièvement les pratiques pédagogiques dans les années 1950-1960.

Contexte Sociolinguistique des Premières Nations au Québec

Pour bien comprendre le contexte sociolinguistique des peuples autochtones au Québec, nous aborderons brièvement la répartition des différents groupes et des langues autochtones sur le territoire. Les données, disponibles sur le site des Affaires autochtones et du Nord Canada (2017), proviennent de l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011.

Les peuples autochtones au Québec se distinguent selon trois groupes linguistiquesiv, répartis en 11 nations et en une cinquantaine de communautés. Les langues autochtones qui y sont encore parlées présentent un degré de vitalité très varié d’une nation à l’autre, voire d’une communauté à l’autre. Même si la situation de ces langues est plus favorable au Québec qu’ailleurs au Canada, le patrimoine linguistique est extrêmement fragile : « la plupart des communautés autochtones abritent en ce moment les dernières générations de locuteurs monolingues de leurs langues » (Drapeau, 2013, p. 209). Le déclin de l’économie traditionnelle autochtone, l’expansion des médias de masse au sein des communautés ainsi que la hausse du niveau de scolarisation peuvent amener un effet dévastateur sur la préservation des langues autochtones (ibid).

Les langues inuktitut, atikamekw, crie et naspakie sont celles qui connaissent le plus haut degré de vitalité ; les communautés qui les parlent ont pu conserver leur langue en raison de leur éloignement des centres urbains (AADNC, 2017; Statistique Canada, 2011b). L’état de la situation linguistique de certaines nations ou communautés se trouve cependant fragilisé à cause du nombre restreint de locuteurs. Par exemple, chez les Innus de la Côte-Nord, une majorité (83 %) a l’innu comme langue maternelle et l’utilisait à la maison (AADNC, 2017), mais pour la communauté de Mashteuiatsh, en 2011, la situation était préoccupante, car une minorité (13,3 %) avait l’innu comme langue maternelle. Dans certaines communautés algonquines au Témiscamingue, par exemple, la langue n’est presque plus parlée, mais lorsque l’on examine les trois communautés en Abitibi, près de 62 % des résidents de Pikogan ont déclaré connaître une ou des langue(s) autochtone(s), alors que cette proportion s’élevait à 64 % au Lac Simon et à 55 % à Kitcisakik. Pour ces trois communautés, la proportion d’individus ayant l’algonquin comme langue maternelle, soit la première langue apprise et parlée, était en moyenne à 46 % (AADNC, 2017). En 2011, on estimait à 1 620 le nombre de personnes ayant l’algonquin comme langue maternelle au Québec (Statistique Canada, 2011b).

Pour les Micmacs, situés dans l’Est de la province, la situation est plus critique : presque la moitié des résidents de deux communautés connaissent leur langue autochtone. À Gesgapegiag, 47 % utilisent la langue autochtone à la maison, contre 16,3 % à Listuguj. D’autres communautés, pour lesquelles l’anglais demeure la langue majoritaire, se trouvent déjà très avancées dans le processus d’assimilation ; les individus de ces communautés qui ont une connaissance solide de la langue autochtone sont plus âgés, alors que les plus jeunes sont moins portés à la connaître (Drapeau, 2011). Chez les Mohawks, on retrouvait, en 2011, une centaine de personnes ayant la langue autochtone comme langue maternelle (Statistique Canada, 2011b).

Les communautés n’ayant plus de locuteurs natifs (ou presque) sont celles dont la langue ancestrale est sur le point d’être remplacée de façon définitive par le français ou l’anglais. Chez les Abénaquis, celle-ci est presque éteinte (en 2011, le nombre de locuteurs était de dix), et le français constitue une langue utilisée par la presque totalité des résidents (AADNC, 2017). La langue ancestrale des Malécites est plutôt parlée aux États-Unis et au Nouveau-Brunswick (Hot et Terraza, 2011), alors qu’au Québec, elle est totalement inexistante. Pour les Hurons-Wendat, la langue autochtone est endormie, et un projet de revitalisation la concernant était en cours jusqu’en 2012 (Sioui, Picard et Dorais, 2008).

En somme, même si, au Québec, la situation des langues autochtones semble plus réjouissante par rapport à celle des autres provinces canadiennes (Statistique Canada, 2012), rappelons que leur survie est très incertaine, en raison du nombre restreint de locuteurs, de la scolarisation et des médias en langue majoritaire (Drapeau, 2013). Selon Baraby (2011), environ 50 à 90 % des 6 700 langues minoritaires encore parlées dans le monde risquent de disparaître d’ici les cent prochaines années si elles ne sont plus transmises aux prochaines générations. Les langues autochtones au Québec, qui sont minoritaires, n’échappent pas à cette tendance, ce qui amène les locuteurs de langue autochtone à devenir bilingues (français ouv anglais), voire plurilingues, par la voie de la scolarisation. Ce bilinguisme parmi les Autochtones scolarisés conduirait, au sein des communautés, à un état de « diglossie »vi généralisé, c’est-à-dire que la langue autochtone est davantage utilisée dans un contexte informel entre les membres de la communauté, tandis que la langue majoritaire est davantage utilisée dans les situations formelles qui exigent l’utilisation de l’écrit (Drapeau, 2011, 2013).

Place et Statut du Français Chez les Premières Nations

D’un point de vue historique, le français a représenté la langue d’assimilation chez les Premières Nations du Québec (Sarrasin, 1998), notamment chez les Abénaquis, les Hurons et les Micmacs de la Gaspésie. Pour leur part, les Innus et les Atikamekw l’utilisent comme langue seconde (L2)vii (Daviault, 2013). Chez les Algonquins, le français est couramment parlé à Pikogan, au Lac Simon et à Kitcisakik, mais on remarque qu’au sein de la nation algonquine coexistent deux langues majoritaires ; en effet, pour les communautés situées au Sud de l’Abitibi, c’est l’anglais qui est la langue d’usage (AADNC, 2017). Cette émergence des langues majoritaires auprès des Autochtones au Québec coïncide avec la scolarisation obligatoire des enfants au sein des écoles résidentielles. Rappelons que l’implantation d’un réseau de pensionnats à travers le pays a été un élément central de la politique d’assimilation du gouvernement fédéral par rapport aux peuples autochtones. Ainsi voulait-on « tuer l’indien au sein de l’enfant » (Commission de vérité et de réconciliation du Canada [CVRC], 2015a, p. 135) en le soustrayant à son entourage, en le gardant en permanence « dans le cercle de la civilisation », pour le resocialiser de façon complète selon les attentes et les valeurs de la société euro-canadienne (Commission royale sur les peuples autochtones, 1996).

Ainsi le français était-il la langue de scolarisation dans les pensionnats catholiquesviii (Laurin et Couture, 1968; Tremblay, 2008). Les missionnaires de ces établissements savaient que son enseignement ne serait pas chose facile puisque la plupart de ces enfants ne le connaissaient pas (Auteur inconnu, 1956; Lesage, 1966).

La méthode dynamique

Dans un document intitulé Residential education for Indian acculturation (Laviolette, 1957), on peut entre autres prendre connaissance du principe d’acculturation. En effet, rappelons, comme nous l’avons mentionné plus haut, qu’une des finalités scolaires était d’assimiler les enfants des Autochtones. Ainsi le curriculum scolaire se fondait-il sur le principe d’acculturationix, défini de la façon suivante :

tout programme de scolarisation visant l’acculturation des Indiens doit être basé sur le respect d’origines culturelles et ethniques des élèves et sur la volonté des enseignants de répondre à leurs besoins spéciaux. Cela doit comprendre une initiation de manière franche, agréable, graduelle et méthodique pour que les élèves indiens puissent s’approprier les coutumes de la société canadienne [traduction libre] (Oblate Fathers in Canada, 1958, p. 13).

Pour ce faire, les enseignants avaient recours à la méthode dynamique, élaborée pour les Canadiens-Français par les Filles de la Charité du Sacré-Cœur de Jésus au cours de la première moitié du XX e siècle. Sur le plan psychologique, la méthode tenait compte du rythme de chaque enfant et des différences individuelles. Selon le guide du maître, celui « […] qui enseigne le français par la méthode dynamique n’enseigne pas; il guide le jeune élève qui, en vertu de son propre dynamisme, fait lui-même […] ses recherches et ses découvertes » (Filles de la Charité du Sacré-Coeur de Jésus, 1965, p. 4). Cette pratique pédagogique amenait l’enfant à passer du langage parlé au langage écrit, tout en tenant compte de ses capacités, selon son âge. Le Père Grenon, à l’époque directeur du pensionnat de Saint-Marc-de-Figuery, a adapté la méthode dynamique à un pensionnat indien. Pour l’enseignement du vocabulaire, on invitait les enseignants à se référer aux connaissances et aux intérêts des élèves pour élaborer le vocabulaire à enseigner. Une fois que les élèves savaient nommer une quinzaine d’objets, on introduisait des notions plus complexes.

Après 3 mois [sic] les élèves de 7 ou 8 ans ont assez de vocabulaire oral pour commencer l’enseignement du français écrit […]. Ce travail de vocabulaire oral doit cependant se continuer au cours de l’année de préparatoire, la 1re [sic], la 2e et même la 3e année. Ne jamais perdre de vue que l’enseignement du langage passe en premier lieu dans un pensionnat indien (Grenon, 1958, p. 1-2).

La méthode dynamique, aussi dite globale, se basait sur l’action énoncée en une phrase, contrairement aux méthodes phonétiques et syllabiques prenant appui sur les lettres et les syllabes. Ainsi, « de la phrase nous passons aux mots, des mots aux syllabes et enfin aux lettres » (ibid, p. 2). Ce procédé de la connaissance commence « du connu à l’inconnu ; du concret vers l’abstrait ; du tout au composé » (ibid, p. 2).

Cette méthode visait le développement langagier en français en misant sur une ambiance familiale et sur un climat de confiance mutuelle pour que les élèves utilisent « naturellement » la langue française, sans qu’il soit nécessaire « d’imposer aux élèves de parler français » (ibid, p. 4). Cependant, il nous semble que ces extraits contredisent les nombreux écrits sur la question de l’enseignement de la langue dans les pensionnats. En effet, la littérature scientifique et les témoignages de survivants nous montrent qu’il était interdit aux enfants de parler leur langue maternelle, même lors de la visite des parents, sous menaces de punitions physiques (Crytes, 2013; Loiselle, 2007; Ottawa, 2010; Rankin et Tardif, 2011; Tremblay, 2008). Le récit de Dominique contredit aussi l’approche préconisée par les Oblats : « c’est à coup de règles sur les doigts et de claques derrière la tête que nous avons graduellement intégré le vocabulaire des 8emitekojix et tenté, tant bien que mal, d’interpréter les concepts accompagnant leurs expressions » (Rankin et Tardif, 2011, p. 75).

Par ailleurs, Bousquet (2012) soulève que l’éducation scolaire québécoise des années 1950-1960 était bien différente de la philosophie éducationnelle autochtone. Par exemple, l’apprentissage de l’art oratoire, qui avait une place importante dans les pensionnats indiens au Québec, avait lieu « selon les critères de langue française : contrairement au discours en algonquin, pas de répétitions, pas d’histoires édifiantes sans explication de morale, pas de longues descriptions » (Bousquet, 2012, p. 13). De cette façon, on voulait préparer ces citoyens de demain à la parole publique, alors qu’au sein du peuple algonquin, la prise de parole ne se fait que si l’individu « se sent légitimement compétent pour le faire » (ibid, p. 15). De plus, Bousquet met en relief certaines différences du point de vue de la structure des langues française et algonquine. D’une part, le français comprend plusieurs termes génériques et a très souvent recours à l’abstraction. D’autre part, la langue algonquine, qui est une langue agglutinante et descriptive, comprend des genres (animés et inanimé) qui n’existent pas en français. Ces différences majeures ont eu des conséquences sur l’expérience d’apprentissage du français chez ces enfants : les concepts abstraits enseignés n’avaient pas d’équivalent dans leur langue premièrexi (L1). Certains enfants, comme Oscar, ont trouvé cet apprentissage difficile : « Je ne comprenais rien de ce qui se disait pendant plus d’un an. Ça se passait tout en français. Le temps d’apprendre des mots, ç’a pris du temps… avant de comprendre » (Tremblay, 2008, p. 191). L’expérience traumatisante de la séparation brutale de l’enfant et de ses parents a certainement contribué à diminuer sa disposition psychologique à apprendre une autre langue.

Le principe d’acculturation impliquait également l’intégration de normes socio-culturelles ou d’une conception du monde totalement éloignée de celles des élèves :

Celle que nous appelions tibiki kisis devenait tout bonnement la lune. Oteimin n’était plus le fruit en forme de cœur, mais bien la fraise. Onako, qui se rapportait à quelque chose de passé, ne suffisait plus : il fallait désormais comprendre les nuances entre hier, l’autre jour et l’année dernière […]. Et que dire du genre des mots ? La tête est féminine, – même pour un homme ! -, mais pas le crâne […]. Quand j’appelle mahigan juste par son nom, je reste en lien avec son esprit. Lorsque je dis ‘le loup’, c’est comme si je m’en éloigne en mettant un ‘le’ entre nous. (Rankin et Tardif, 2011, p. 75-76).

Le programme scolaire québécois ne cherchait pas directement à assimiler les élèves autochtones, on voulait leur offrir les mêmes services qu’à tous les autres Québécois (Crytes, 2013). Toutefois, cette notion « d’équité » n’était pas à l’avantage des élèves autochtones, car on évaluait leurs compétences en langue française en faisant fi de leur langue maternelle. On remarquait déjà à cette époque que les performances scolaires d’élèves fréquentant les pensionnats étaient comparées à celles des élèves québécois, sans tenir compte du fait que le français était leur L2 :

[…] il faut reconnaître que l’éducation de notre jeunesse indienne n’avance pas de pair avec celle des élèves de l’autre secteur de la population québécoise. Nos enfants sont désavantagés par les difficultés de la langue dès le départ : ce qui les met en retard sur leurs compagnons et compagnes de classe dans les écoles publiques de la Province. (Lesage, 1967)

Cela dit, bien que ces écoles aient amené les élèves autochtones à apprendre le français et à devenir fonctionnels dans la société moderne, on peut dire que « […] la conséquence globale reste une perte des compétences linguistiques » (CVRC, 2015b, p. 57), car cela a eu, entre autres choses, comme conséquence de compromettre, voire d’inhiber la transmission de la langue autochtone à la génération suivante. La scolarisation des Autochtones se faisant au Québec en grande partie dans la langue majoritaire, cela explique aujourd’hui le niveau élevé de bilinguisme chez ces populations. Ce bilinguisme, que l’on peut qualifier de soustractifxii, a des effets néfastes sur les compétences des Autochtones dans leur langue ancestrale (Drapeau 2013), voire sur leur réussite scolaire (Morris et O’Sullivan, 2007).

Alors, aujourd’hui, où en est-on ? Est-ce que les élèves autochtones, au regard de ce passé linguistique toujours prégnant, atteignent un taux de réussite à l’école comparable à celui de la population québécoise ou Canadienne ? Si l’on porte un regard sur les statistiques les plus récentes en matière d’éducation chez les Autochtones au Québec, on peut affirmer que le taux de réussite de ces derniers est plus bas que leurs homologues québécois (Posca, 2018). Certes, les écoles résidentielles ont laissé leur place ; les communautés autochtones ont pris en charge leur éducation et s’occupent, notamment, du recrutement des enseignants. On peut cependant se questionner sur les connaissances que ces enseignants détiennent sur les avancées de la recherche en didactique des langues pour favoriser le développement langagier des élèves en langue de scolarisation.

CADRE CONCEPTUEL

Au regard de ce qui a été présenté, on peut aisément se rendre compte de la fragilité de la réussite scolaire chez les élèves autochtones. Nous savons que cette dernière est la résultante d’un ensemble de facteurs, mais dans le cas qui nous intéresse ici, nous souhaitons discuter de la compétence langagière des apprenants, car elle représente un des atouts majeurs à la réussite scolaire et sociale. Les avancées de la recherche en didactique des langues ont fait émerger le concept de langue de scolarisation,dont nous discutons maintenant.

Apprentissage du Français Langue de Scolarisation

La notion de langue de scolarisation (LSCO) est apparue il y a une vingtaine d’années dans le contexte de l’enseignement du français comme L2 dans les pays de la francophonie (Le Ferrec, 2012). Selon Verdelhan-Bourgade (2002), c’est « une langue apprise et utilisée à l’école et par l’école » (p. 29), assurant un rôle médiateur dans la transmission des savoirs disciplinaires, qu’ils soient d’ordre linguistique ou non, en L1 ou en L2. Elle est à la fois objet et langue d’enseignement. Pour l’élève, la scolarisation représente l’entrée dans l’écrit, par l’acquisition de la lecture et de l’écriture selon les traditions pédagogiques nationales, ainsi que l’appropriation des savoirs disciplinaires qui deviendront spécialisés durant son cheminement scolaire. La LSCO répond à des fonctions d’ordre heuristique, langagière et méthodologique, permettant d’accéder au savoir, de faciliter sa découverte, de l’organiser et de rendre convenable l’utilisation de la langue dans la société. Le niveau atteint dans cette langue conditionne l’insertion dans le système et la réussite sociale : « [a]ucune autre matière, aussi valorisée soit-elle par la société, ne comporte cette dimension, ce poids réel sur la réussite » (ibid, p. 30).

Un enseignement monolingue impose donc la référence à une langue, non pas commune, mais unique, qui ignore l’existence des autres langues représentées sur le territoire national, comme les variétés propres à la langue nationale elle-même. Elle induit à une pratique normée de la langue et à l’apprentissage des comportements sociaux valorisés par l’enceinte scolaire. En niant les langues connues du locuteur pour des raisons idéologiques, c’est le développement des compétences en langue française qui est remis en cause, car cette approche génère de l’insécurité linguistique chez l’apprenant, et ne lui permet pas de se repérer dans le fonctionnement et les processus d’appropriation dans la langue ciblée (Auger, 2013). Pour l’élève de culture orale, comme c’est le cas pour celui issu des Premières Nations, cet apprentissage de l’écrit devient une confrontation particulièrement exigeante (da Silveira, 2013).

Le français est la LSCO chez les Algonquins en Abitibi et les Innus de la Côte-Nord ; ils sont scolarisés en français et suivent des cours en langue autochtone tout en respectant les exigences ministérielles (Mowatt-Gaudreau, 2013). Au sein des trois communautés Atikamekw, depuis 1990, les enfants ont la possibilité de suivre le programme scolaire en français dès leur entrée à l’école ou encore de suivre le programme bilingue, à partir duquel les cours sont donnés en langue atikamekw durant les premières années du primaire (Sarrasin, 1998). Depuis 2002, une communauté atikamekw a conservé le programme bilingue en 1re et en 2e années du primaire. Une deuxième communauté a supprimé le programme bilingue au primaire en faveur de l’enseignement du français par submersion, tandis qu’une troisième communauté maintient un double cheminement, selon le choix des parents (Sarrasin, 2017). Quoique les communautés aient le choix de la langue d’enseignementxiii, les écoles doivent se conformer aux exigences du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec (MEES) selon le programme de formation reconnu, en français, LSCO (ou en anglais, selon les régions). Pour soutenir leurs élèves dans l’apprentissage du français, les écoles ou organisations scolaires déploient des moyens, chacune à sa façon. Par exemple, chez les Innus, dans le cadre d’un programme de soutien à la réussite scolaire, l’institut Tshakapesh a implanté un comité de langue française en vue de produire des épreuves régionales conformes aux exigences du MEES. Ainsi sont-ils en mesure d’identifier les besoins des élèves, de soutenir les enseignants des communautés pour la réussite des élèves. À l’école Migwan de Pikogan, on mise sur des activités visant à approfondir la maîtrise du français, par exemple, en valorisant les référents culturels des élèves pour l’apprentissage de la lecture (Mowatt-Gaudreau, 2013).

Défis liés au développement de la compétence langagière en LSCO des élèves des Premières Nations

L’école met l’accent sur des critères standardisés quant à la « maîtrise » de la LSCO, ce qui n’est pas sans causer des difficultés scolaires aux élèves dont la L1 est différente. Dans un rapport annuel, des responsables de l’éducation en milieu atikamekw constatent les faibles connaissances des élèves en français à la fin du primaire, qui doivent réussir au même titre que les « natifs », donc « maîtriser » la langue dominante qui, rappelons-le, est une L2, à l’oral et à l’écrit, pour ces derniers, en plus d’assimiler les disciplines scolaires qui leur sont enseignées dans cette langue (Conseil des Atikamekw de Manawan, 2012). La notion de « produit normalisé » a été critiquée par Bourdieu (1982) pour sa contribution à la reproduction des inégalités sociales : « [l]es locuteurs dépourvus de la compétence légitime se trouvent souvent exclus en fait des univers sociaux où elle est exigée, ou condamnés au silence » (ibid, p. 42).

De nombreux écrits font d’ailleurs ressortir que les difficultés rencontrées par les élèves autochtones dans la LSCO ont des répercussions sur l’ensemble de leur rendement scolaire (Archambault, 2010; da Silveira, 2012; Hot, 2013; Manningham, Lanthier, Wawanoloath et Connely, 2011; Morris et O’Sullivan, 2007; Presseau, 2006) et bien au-delà de ce cadre (da Silveira, 2012). C’est pourquoi il importe d’examiner les principaux défis liés au développement langagier de ces enfants afin d’envisager des avenues qui leur permettraient de bénéficier d’une éducation plus équitable (Battiste, 2000).

Usage d’une variété linguistique et difficultés dans la langue de scolarisation

Comme nous l’avons mentionné plus haut, certains élèves de communautés autochtones ont le français comme L1, mais ils bénéficient également d’une exposition à la langue ancestrale dans leur entourage. On pourrait croire à un avantage chez ces élèves lors de leur entrée dans le système scolaire en français ; or, ces élèves auront aussi été exposés, dès leur plus jeune âge, à une variété linguistique différente de la langue de scolarisation (Daviault, 2013; Hot, 2013; Mowatt-Gaudreau et Maheux, 2009; Reyner et Hurtado, 2008), ce qui représente un défi important pour eux lorsqu’ils commencent leur parcours scolaire, ayant recours à une variété du français qui ne correspond pas aux attentes de l’école. Ceux se trouvant en difficulté d’apprentissage au primaire n’ont souvent pas eu l’occasion, avant ou parallèlement à leur parcours scolaire, d’accéder à des formes de relations sociales et à des pratiques langagières semblables à celles utilisées à l’école (Daviault, 2013).

Par ailleurs, une étude sur les signes avant-coureurs du décrochage scolaire menée en milieu autochtone où le français utilisé par les élèves est différent de celui de l’école fait ressortir que 29,4 % d’entre eux affirmaient comprendre très peu ou pas du tout les consignes et les informations données par l’enseignant en classe, alors qu’au secondaire, cette proportion s’élevait à 68,8 % (Mowatt-Gaudreau et Maheux, 2009). L’absence d’enseignement formel et explicite pour amener les élèves à s’approprier les différences entre ces variétés linguistiques serait, selon de la Sablonnière, Usborne et Taylor (2011), un déni de leur droit fondamental à recevoir un enseignement dans leur langue autochtone et contribue à la discrimination systémiquexiv. Sterzuk (2008), qui a examiné les pratiques des écoles en Saskatchewan, où une proportion importante d’élèves autochtones se retrouvent dans des programmes de rééducation du langage et de la parole, qualifie les pratiques évaluatives de ces écoles comme étant linguistiquement oppressives à l’égard de ces élèves utilisant une variété non standard. Selon l’auteure, ces évaluations standardisées, qui ne peuvent être exemptes de biais, semblent ne pas tenir compte des propriétés de cette variété linguistique, ce qui peut mener à un diagnostic erroné, d’où la nécessité de considérer les variations linguistiques dans l’enseignement des langues à l’école.

Langue seconde et compétences fragiles pour le lire-écrire

Un deuxième élément à considérer concerne les pratiques éducatives qui autorisent, d’une certaine façon, l’absence de réflexion critique et bilingue de l’enseignement de la litéraciexv. Une étude de cas menée dans une école primaire autochtone ontarienne (Heydon et Strooke, 2012) montre que la plupart des enseignants sont favorables à enseigner la litéracie à partir d’un matériel standardisé, même s’ils trouvent que l’usage de ce matériel est difficilement conciliable avec les besoins des élèves. D’autres programmes de transition qui tiennent compte de la L1 de l’élève auront tendance à faire une transition trop rapide de la langue autochtone comme langue d’enseignementxvi à la langue dominante. Une étude auprès de la Commission scolaire crie montre que plusieurs enfants n’ont pas acquis un registre langagier suffisant en lecture en langue crie pour apprendre à lire dans une L2 lorsque le cri n’est plus la langue d’enseignement : « [e]n 6e année, 24 % des élèves avaient atteint un niveau de lecture équivalent à celui de leur année de scolarisation en anglais, et 16 % en français » (Conseil des statistiques canadiennes de l’éducation, 2009, p. 39). N’ayant pas les fondements nécessaires en lecture et en écriture, ces élèves ne peuvent donc pas réussir dans les disciplines scolaires. Dans la mesure où la langue d’enseignement change avant que les enfants n’aient l’occasion d’en appréhender la structure, ces derniers risquent d’apprendre de manière parcellaire leur L1 et, par ricochet, de rencontrer des difficultés dans leur apprentissage de la L2. Nous nous référons ici à l’hypothèse des niveaux-seuils de Cummins (1979), qui souligne que l’accès aux deux langues se produit lorsqu’un seuil minimal de compétence linguistique est atteint en L1 (et en L2) pour permettre aux aspects potentiellement bénéfiques du bilinguisme d’influencer le développement cognitif de l’enfant. Ainsi un niveau inférieur de compétence linguistique (the lower threshold) est-il une situation où les deux langues ne sont pas « maîtrisées » ; un seuil supérieur de compétence (the higher threshold) réfère, quant à lui, à une forme de bilinguisme additif où l’enfant développe un haut niveau d’habileté en L2, à partir d’inputs qu’il reçoit de son milieu, et commence à profiter des avantages cognitifs des deux langues.

Lecture et langue autochtone

Un troisième défi se présente pour les élèves ayant une langue autochtone comme L1, car ces derniers doivent acquérir la LSCO sans pouvoir s’appuyer sur des habiletés littéraciques xvii dans leur L1 (Morris et O’Sullivan, 2007). Le défi est important pour les enseignants en langue autochtone, car ils disposent souvent d’un corpus écrit très limité. Certains écrits existent, tels que des manuels d’enseignement des langues et des traductions d’œuvres littéraires, mais l’écriture n’est pas une pratique courante puisque les langues autochtones sont de tradition orale (Baraby, 2011; Drapeau, 2011). La lecture de livres dans la langue ancestrale est donc peu familière à la population autochtone. N’ayant pas l’occasion de développer leur sensibilité graphique en langue autochtone (Baraby, 2011) et de devenir des lecteurs compétents dans leur L1, ils doivent tout de même développer des habiletés en lecture en L2 sans pouvoir réellement prendre appui sur une base de compétence en L1. Pourtant, selon l’hypothèse de l’interdépendance de Cummins (1979), la L1, à partir de laquelle le développement de la compétence linguistique prend forme, est le fondement à l’acquisition d’une L2. Le niveau de compétence atteint en L2 par un enfant bilingue est donc une fonction partielle du type de compétence atteint en L1 au moment où l’exposition intensive à la L2 débute. Cela dit, plus la compétence en L1 est élevée, plus les conditions à l’acquisition d’une L2 sont propices au bilinguisme ; à l’inverse, un faible développement en L1 peut amener des conditions d’apprentissage difficiles en L2 pour l’enfant. Il importe aussi de tenir compte que dans un contexte où la L1 est majoritaire, celle-ci ne semble pas affectée par une exposition intensive à la L2, à la lumière des nombreuses études citées par Cummins (1979). En conséquence, les enfants développant un haut niveau d’habiletés en L2 auront accès de manière fluide aux deux langues. Dans le contexte où la langue est minoritaire, les conclusions semblent opposées aux situations où la langue est majoritaire : l’enseignement initial de la L1 a démontré de meilleurs résultats que l’immersion ou la submersion en L2 de façon précoce. Donc, la théorie de l’interdépendance en situation de minorité linguistique fait ressortir que l’enseignement de la L1 est plus bénéfique pour les enfants, dans la mesure où certains aspects de leurs connaissances linguistiques ne sont pas complètement développés au début de la scolarisation.

En bref, l’école devrait être en mesure de développer un bilinguisme additif, voire un plurilinguisme chez les élèves des Premières Nations en misant davantage sur langues autochtones, pour prendre en compte leur répertoire langagier, mais faute de financement adéquat ou de dispositifs appropriés, cette voie s’avère difficile à mettre de l’avant. Rappelons que le débat sur la légitimité des langues d’origine comme fondement à l’apprentissage de la LSCO est présent depuis plusieurs décennies chez les chercheurs (Cummins, 1979, 2010; Fleuret, 2013; Hornberger, 2003). L’étude de Morris et O’Sullivan (2007) auprès des Innus recommande aussi de renforcer les compétences en L1 et de s’appuyer sur les savoirs que les élèves ont acquis pour amener une transition vers les apprentissages en L2, comme le démontre la recherche (Cummins, 1991).

Programmes d’Enseignement des Langues Autochtones au Sein des Écoles des Premières Nations

L’enseignement des langues autochtones dans les écoles des communautés a commencé vers les années 1970, à la suite de la publication de La maîtrise indienne de l’éducation indienne, par la Fraternité des Indiens du Canada ([FIC], 1972), ancêtre de l’actuelle Assemblée des Premières Nations. Cette déclaration de principe avait pour but de baliser l’organisation des services éducatifs pour les Autochtones et de proposer un changement en matière d’éducation aux parents et aux communautés, à la suite de l’échec du système des pensionnats. Cette déclaration signifiait une volonté des Autochtones de prendre en charge l’éducation, soit (1) la responsabilité juridique et l’administration, (2) les programmes, (3) les enseignants et (4) les services et les installations matérielles. Dans la section portant sur la langue d’enseignement, la FIC exprime sa position :

Bien que les parents et les membres de la réserve jouent un rôle important dans la transmission de la langue, il demeure nécessaire de l’enseigner de façon régulière, en en faisant (1) une langue d’enseignement et (2) une matière d’enseignement […]. L’enfant devrait être initié à l’anglais ou au français comme langue seconde seulement après avoir acquis une solide connaissance de sa propre langue. (FIC, 1972, p. 16)

Afin de préserver et de promouvoir leur patrimoine linguistique et culturel, plusieurs communautés des Premières Nations au Québec ont instauré différentes initiatives. Parfois, elles prennent la forme de programmes bilingues dans les écoles, où les enfants vont apprendre leur langue autochtone comme L2, comme c’est le cas chez les Mohawk et les Innus de Mashteuiatsh (Drapeau, 2011). Dans d’autres communautés, les écoles offrent un programme bilingue où la langue autochtone est la langue d’enseignementxviii durant les premières années de scolarisation, comme c’est le cas au sein de certaines communautés Atikamekw (Sarrasin, 1994, 2017), chez les Naskapis et les Crisxix (Hot, 2010). Enfin, certaines communautés intègrent la langue autochtone dans le programme scolaire, notamment chez les Algonquins en Abitibi (Mowatt-Gaudreau, 2013) et les Innus de la Côte-Nord. Par ailleurs, les Innus ont développé un programme en langue innue afin de définir les attentes et les contenus d’apprentissage au primaire (Institut Tshakapesh, 2011). En ce qui a trait aux Algonquins de Kitigan Zibi en Outaouais, l’école offre un programme d’immersion en langue algonquine les après-midis et un programme où celle-ci est offerte comme matière d’enseignement (Hot, 2010).

Ce tour d’horizon nous permet de voir que les communautés ont élaboré une variété de projets de valorisation des langues ancestrales à différents degrés d’intensité, du cours en langue autochtone comme matière d’enseignement au programme d’immersion. Or, pour la grande majorité de ces communautés, le défi persistant est celui du manque de matériel didactique en langue autochtone, de financement adéquat et, parfois, de ressources enseignantes qualifiées. D’une part, les communautés des Premières Nations doivent se soumettre aux exigences du MEES pour recevoir le financement nécessaire au fonctionnement des écoles (Conseil en éducation des Premières Nations, 2002) ; d’autre part, aucune reconnaissance officielle de l’existence des langues autochtones dans le programme scolaire qui permettrait aux écoles de bandexx (ou provinciales) de mieux cibler le profil langagier de l’élève autochtone n’a été accordée à ce jour.

Plusieurs recherches en didactique des langues secondes soulignent pourtant que les élèves peuvent bénéficier d’approches éducatives qui prennent en compte leur répertoire langagier. C’est ce que nous présentons dans la prochaine section.

Pratiques d’Enseignement de la Langue de Scolarisation qui Tiennent Compte du Répertoire Langagier des Élèves

Pour que les élèves puissent développer leur plein potentiel au sein des institutions scolaires des communautés, il importe de porter un regard sur des pratiques qui contribuent à une meilleure compréhension de l’interdépendance entre la préservation de la langue autochtone et l’enseignement du français en contexte des Premières Nations (Lavoie, Mark et Jenniss, 2014). Les enseignants, amenés à concilier la réalité de leur classe avec les contraintes de l’institution (programmes, modalités d’évaluation, etc.), représentent souvent des politiques inadéquates à la réalité linguistique des élèves. Par ricochet, les enseignants, ne se sentant pas outillés ou appuyés à inviter les langues des élèves en salle de classe, choisissent de prôner une norme monolingue (Armand, 2011). Sachant que les enfants bi-plurilingues ne vont pas développer leurs connaissances langagières de la même façon que les apprenants monolingues, il est essentiel de tenir compte du bagage de l’élève et de ses habiletés. Afin de mieux comprendre les approches bi-plurilingues, nous présenterons des études effectuées en contexte autochtone ou de minorité linguistique mettant en valeur le répertoire langagier des élèves.

Une première étude a montré que les enfants du préscolaire issus de milieux socio-économiques défavorisés développent des habiletés de litéracie précoce bilingue lorsqu’ils sont encouragés par leurs éducateurs (qui sont soutenus par des spécialistes en litéracie) à devenir des auteurs de leurs propres histoires en produisant leurs livres bilingues (appelés identity textsxxi) et dans lesquels l’enfant est le personnage principal (Bernhard, Cummins, Campoy, Ada, Winsler et Bleiker, 2006). Les résultats soulignent que les enfants issus du groupe contrôle (ceux qui n’ont pas bénéficié du programme) ont eu tendance à régresser sur le plan langagier durant leur passage du préscolaire au primaire, alors que ceux issus du groupe expérimental (280 enfants) ont progressé ou sont demeurés stables. En plus des effets sur le développement de la litéracie précoce, cette étude montre aussi que l’approche valorise l’identité des élèves et a des effets positifs sur la confiance en soi des enfants.

Une autre étude en Nouvelle-Zélande (Glynn, Berryman, Loader et Cavanagh, 2005), qui avait pour but d’évaluer l’effet d’un programme de transition culturellement pertinent (du maori à l’anglais) auprès d’élèves autochtones ayant suivi la majorité de leur scolarité au primaire en langue maori, montre que ce programme de transition du primaire au secondaire permet le développement des compétences en lecture et en écriture en L2, sans affecter la L1. Ces dimensions sont (1) la continuité entre l’école et la maison (la collaboration entre les enseignants, les familles et la communauté dans le cadre d’un programme de lecture), (2) l’instauration d’une approche d’écriture en classe basée sur la coopération et (3) la contribution d’une intervention extérieure afin de fournir des rétroactions écrites aux élèves sur leurs écrits en L2. Les auteurs font ressortir que dans toutes les cultures, l’apprentissage des langues et de la litéracie se manifeste chez les élèves lorsque le contexte social est réceptif et sensible, et lorsque celui-ci reflète les valeurs culturelles et les pratiques familiales et communautaires du milieu.

Une troisième étude, cette fois australienne, consistait en l’implantation d’un programme de litéracie précoce selon une approche plurilingue (James, 2014). En considérant la variété linguistique des élèves, et en collaborant avec les parents et les aînés de la communauté, la transition de la langue autochtone à la langue anglaise a été favorisée, tout comme l’amélioration des compétences des enfants en litéracie et leur intérêt pour la lecture.

Une autre étude menée au Québec sur l’enseignement du vocabulaire en langues française et innue montre que les élèves sont motivés à apprendre des mots nouveaux lorsque cet enseignement débute dans leur L1, en présence des aînés (Lavoie, Mark, et Jenniss, 2014). Ce type d’enseignement développe leur confiance à apprendre une L2 par des méthodes multimodales favorisant la rétention du vocabulaire. Armand (2011), dans une synthèse sur l’enseignement de l’écriture en L2, soutient qu’un seul contact avec les unités lexicales et dont le sens est expliqué par l’enseignant pendant la lecture de textes est insuffisant pour s’assurer d’une utilisation adéquate par les élèves dans leurs productions écrites. De nombreuses opportunités de contact devraient être créées par l’enseignant.

Plus précisément par rapport au développement des capacités métaphonologiques des élèves, une autre étude en contexte innu (Lavoie, 2016) visait à mesurer l’effet d’une trousse de conscience phonologique en langues française et innue. Les résultats démontrent que les élèves ayant fait partie du groupe expérimental avaient une meilleure connaissance des lettres que ceux ayant fait partie du groupe témoin. La trousse a aussi eu un effet sur la motivation des élèves, puisque leurs manières d’apprendre et les éléments issus de leur environnement culturel ont été valorisés.

Une dernière étude menée dans une école ontarienne de langue française avait pour but d’explorer l’appropriation de l’écrit chez les élèves scolarisés en français L2 en difficulté d’apprentissage (Fleuret, 2013). En autorisant les élèves à utiliser leur répertoire langagier dans leur L1, par l’entremise de la littérature de jeunesse plurilingue, les activités proposées selon les besoins des élèves ont optimisé le développement des capacités métalinguistiques, et certains ont eu recours au transfert, étant autorisés à utiliser leur L1. Le profil langagier des élèves s’est avéré plus juste pour mieux cibler les interventions, car l’enseignante était moins axée sur la norme. Cette étude laisse entrevoir la possibilité de mieux discerner les difficultés liées à l’acquisition langagière des difficultés d’apprentissage. Dans le même ordre d’idées, d’autres écrits scientifiques nous montrent que les usages de la littérature de jeunesse plurilingue représentent des leviers importants pour assurer des espaces de continuité entre les sphères scolaire, sociale et familiale, en vue d’optimiser les pratiques d’enseignement-apprentissage des langues et des cultures (Fleuret et Sabatier, sous presse; Moore et Sabatier, 2014).

Les études présentées nous montrent que les élèves ont de meilleures chances de développer leurs compétences langagières si leur répertoire langagier est pris en compte dans l’enseignement de la langue de scolarisation. Ces pratiques représentent des avenues équitables d’éducation aux langues, par l’inclusion de l’élève dans sa singularité.

CONCLUSION

Dans cet article, nous avons dressé un état des lieux de l’enseignement des langues auprès des peuples autochtones, soit l’enseignement des langues ancestrales et du français, LSCO. En effet, dans la foulée des travaux de la Commission de vérité et de réconciliation, il nous apparaissait important, dans un premier temps, de rappeler brièvement l’historique éducationnel des Premières Nations, pour mieux comprendre, dans un contexte de violence symbolique indéniable (Bourdieu, 1997), les traumatismes vécus par ces peuples et le rapport au français LSCO qu’ils ont construit. L’éducation ayant servi d’instrument pour tenter d’éliminer les langues et les cultures des peuples autochtones au Canada, il nous semble qu’aujourd’hui, elle doit contribuer à réparer les torts causés pour tendre vers une véritable réconciliation, dans une perspective visant à reconnaître la compétence plurilingue des élèves des Premières Nations dans une perspective interculturelle.

D’autre part, si l’on regarde où nous en sommes aujourd’hui, il est clair que les enjeux didactiques et pédagogiques sont criants. Toutefois, les quelques propositions didactiques présentées ici laissent envisager la possibilité de reconnaître et de favoriser l’apprentissage des langues autochtones chez les Premières Nations, parallèlement à celui du français, menant ainsi à la création d’un espace d’apprentissage sécurisant pour les élèves.

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i Le terme langue autochtone est utilisé plutôt que celui de langue maternelle étant donné que le fait de pouvoir converser en langue autochtone ne signifie pas d’emblée que celle-ci est la première langue maternelle apprise des locuteurs.

ii Bien que la notion de langue maternelle soit difficile à définir, vu son passé historique et son emploi dans plusieurs disciplines, nous entendons, pour le but du présent article, que celle-ci concerne l’ordre de l’acquisition et l’ordre du contexte, soit « la langue acquise la première par le sujet parlant dans un contexte où elle est aussi la langue utilisée au sein de la communication » (Cuq, 2003, p. 152).

iii La langue ancestrale renvoie à la « langue, autre que les deux langues officielles du Canada, à laquelle on est rattaché par son père ou sa mère ou ses grands-parents » (voir le portail linguistique du gouvernement du Canada : http://www.btb.termiumplus.gc.ca).

iv La famille linguistique eskimo-aléoute comprend la langue Inuktitut; la famille linguistique algonquienne, groupe linguistique le plus important au Québec, inclut les langues abénaquise, algonquine, atikamekw, crie, innue, malécite, micmaque, naskapie ; la famille linguistique iroquoienne inclut le mohawk et le huron-wendat (Hot et Terraza, 2011).

v Nous souhaitons rappeler ici que nous utilisons la conjonction ou, employée seule, car elle est suffisante à exprimer la possibilité d’addition ou de choix.

vi Nous reprenons le terme utilisé par Drapeau (2011). Toutefois, celui-ci est remis en question par les chercheurs en L2, puisque sa définition tend à renforcer les perceptions qui gravitent autour de deux pôles. La sociolinguistique tend à démentir l’existence de cette bipolarisation dans la mesure où les deux langues coexistent et s’entremêlent (Prudent, Tupin et Wharton, 2005). Ce débat ne constitue pas l’objet du présent article. Dans le contexte de ce qui nous intéresse, la diglossie dans sa forme commune sera considérée.

vii Cuq (1991, p. 93) définit une langue seconde comme étant « le français parlé notamment dans les régions du monde (ex. l’Afrique), où cette langue, tout en n’étant pas la langue maternelle de la majorité de la population, n’est pas une langue étrangère comme les autres, que ce soit pour des raisons statutaires ou sociales ». Le français y est donc une langue de scolarisation. En Belgique, en revanche, on utilise généralement langue seconde dans un sens plus large, « issu de la sociolinguistique anglo-saxonne », c’est-à-dire « tout système acquis chronologiquement après la langue première ».

viii Parmi les pensionnats ayant accueilli les enfants amérindiens au Québec (Bousquet, 2012), six auraient été en opération entre 1934 et 1980, et se répartissaient comme suit : deux à Fort George (un anglican entre 1934 et 1979 et l’autre catholique de 1936 à 1952), trois catholiques, dont un à Sept-Îles (1952-1967), un près d’Amos (1955-1972) et un à Pointe-Bleue (1957-1965) ainsi que le pensionnat anglican de La Tuque (1962-1980).

ix Il est intéressant de noter la différence de sens accordée entre la définition ci-dessus et celle de Cuq (2003, p. 12), pour qui l’acculturation « est le processus par lequel un individu ou une communauté accède à une culture et se l’approprie au point qu’il ne s’aperçoit plus qu’elle ne lui est pas naturelle mais qu’il l’a construite. Ce qu’on acquiert, on finit par oublier qu’on l’a acquis : c’est la célèbre amnésie des apprentissages (Bourdieu). L’enseignement vise presque toujours (sans succès total) à établir une culture, une croyance à des valeurs culturelles qu’il considère comme légitimes ».

Le terme wemitigoji désigne les « Blancs ».

xi La langue première d’un individu est « celle qu’il a acquise en premier, chronologiquement, au moment du développement de sa capacité de langage. “Première” ne signifie donc pas la plus utile, ni la plus prestigieuse, pas plus que “seconde” ne veut dire “secondaire” » (Cuq, 2003, p. 152).

xii Le bilinguisme soustractif renvoie à un état de bilingualité au sein duquel l’apprenant acquiert une L2 au détriment de sa langue maternelle, entraînant des déficits dans son développement cognitif. Cet état se manifeste lorsque l’entourage dévalorise la langue maternelle de l’enfant socialement moins prestigieuse par rapport à la langue dominante (Hamers et Blanc, 1983, p. 447).

xiii L’article 97 de la Charte de langue française indique que les réserves ou communautés autochtones ne sont pas assujetties à la disposition selon laquelle l’enseignement se donne en langue française. L’article 88 stipule, pour les Commission scolaire crie et la Commission scolaire Kativik, que les langues d’enseignement sont le cri et l’inuktitut de même que les langues en usage dans ces communautés (l’anglais et le français, dans une moindre mesure). Cet article s’applique également aux Naskapis de Shefferville. Comme en fait mention Hot (2013), en fonction des facteurs géographiques et historiques, ces écoles dispensent de l’enseignement en langues autochtones, habituellement durant les premières années du cheminement scolaire, pour ensuite faire une transition vers le français ou l’anglais.

xiv La discrimination systémique, intégrée et acceptée par la société, tant par les individus des groupes majoritaires que minoritaires, est représentée par les normes véhiculées de la culture majoritaire et par un traitement heurtant les individus des groupes minoritaires (de la Sablonnière, Usborne, et Taylor, 2011).

xv Nous utiliserons le vocable litéracie au sens de David (2015). Sa définition a une portée beaucoup plus large que celle de l’alphabétisation dans un système d’écriture en particulier. Elle se comprend plutôt dans un ensemble de pratiques mobilisant l’écrit, avec des finalités propres selon les contextes spécifiques.

xvi Ici, nous conservons le vocable « langue d’enseignement » étant donné que la définition de la LSCO de (Verdelhan-Bourgade, 2002) stipule que celle-ci s’étend à tous les secteurs de l’enseignement, dont la communication scolaire, ce qui n’est pas systématiquement le cas avec la langue autochtone.

xvii Néologisme emprunté de Jaffré et David (1998), ce terme témoigne de la préoccupation récente à l’égard des effets bénéfiques de la fréquence et des contacts précoces avec l’écrit.

xviii Ici, nous conservons le vocable « langue d’enseignement » pour les mêmes raisons mentionnées précédemment.

xix Les parents peuvent choisir entre le français (pour certaines écoles) ou l’anglais comme L2.

xx Une école de bande est celle qui est administrée par un Conseil de bande, responsable de gérer les services éducatifs du primaire et du secondaire de son territoire. Le financement de ces écoles est fourni par le gouvernement fédéral; en contrepartie, les écoles doivent se conformer aux exigences des programmes scolaires provinciaux étant donné que l’éducation relève des provinces (Conseil en éducation des Premières Nations, 2002).

xxi Le principe consiste à faire écrire une histoire par l’enfant, en collaboration avec l’enseignant, pour soutenir l’élève dans la LSCO en partenariat avec les parents pour traduire les histoires de l’enfant dans la ou les langue(s) parlée(s) à la maison. Les histoires portent sur la famille, les amis et les intérêts personnels de l’enfant, illustrés par des images, photos et dessins.

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