Je suis franco-ontarienne! (by Dr Caroline Payant)

Caroline Payant, our second guest blogger this week, est professeure au Département de didactique des langues de l’Université du Québec à Montréal. Ses recherches portent sur la mobilisation des ressources linguistiques des apprenants plurilingues dans différents contextes de communication et d’apprentissage ainsi que sur la discrimination linguistique en contextes éducatifs auprès des minorités linguistiques. Elle est la vice-présidente de l’AQEFLS et de l’Association canadienne de linguistique appliquée (ACLA). Depuis 2020, elle est co-rédactrice en chef de la Revue de l’AQEFLS. 

This blog post includes a linked audio file. Just click on the link below if you would like to hear the post read aloud. Scroll down to read the text.

J’ai toujours eu l’occasion de vivre dans des villes et des pays où les gens me demandaient d’où je venais. Encore aujourd’hui, la réponse varie selon le contexte. En tant que linguiste appliquée, je sais à quel point notre environnement social influence qui nous sommes, comment nous souhaitons nous représenter, mais aussi comment les gens nous perçoivent.

Alors lorsque je menais mes études en linguistique et en espagnol en Colombie Britannique, on me demandait d’où je venais, parce que lorsque je parlais français, on reconnaissait un accent anglophone et lorsque je parlais en anglais on reconnaissait un accent francophone.  Comme je venais de l’Ontario, d’une mère franco-ontarienne et d’un père qui se dit canadien francophone (une histoire pour un autre jour), je répondais que j’étais franco-ontarienne. Mais quand j’ai commencé à répondre à cette même question au Mexique, la réponse était toujours, dans un premier temps, canadienne. Cette réponse en amenait une deuxième, à savoir si j’étais québécoise. À cette question je disais « Non, je suis franco-ontarienne ». Et cette réponse suscitait toujours beaucoup d’intérêt. On me répondait « franco-italienne ? ». Et, je devais dire « Non, franco-ONTArienne », ce qui provoquait une troisième question : « Il y a du français en Ontario ? »  Malgré le fait qu’il est ennuyant de toujours se faire poser la même question , je me suis habituée à ces questions qui se sont répétées pendant plusieurs années quand j’étudiais et travaillais aux États-Unis.

Enfin de retour au Canada, dans un contexte francophone, je suis en mesure de dire que je suis franco-ontarienne et les questions de suivi se font rares! Ici au Québec, on ne me pose que très rarement cette question.  D’ailleurs on me dit québécoise sans même me demander si je suis québécoise. C’est moi qui dois offrir une information par rapport à mon identité! Que les gens pensent que je suis originaire du Québec n’est pas étonnant, puisque je réside à Montréal et je parle français.  Cela ne provoque pas chez moi des sentiments particulièrement négatifs. Cependant, j’évite moi-même de poser cette question, car je ne juge pas cette information nécessaire pour avoir une conversation intéressante avec une personne inconnue.

Parfois j’essaye de comprendre pourquoi nous cherchons à savoir d’où viennent les gens. Si je pose cette question à des amis, on me répond souvent que c’est par politesse, par habitude, par curiosité ou encore par intérêt.  C’est intéressant de savoir d’où viennent ceux et celles que nous rencontrons, je suis d’accord. Par contre, après plusieurs années d’expérience en contextes plurilingues et pluriculturels, je cherche à ne plus poser cette question, qui sous-entend que nous percevons cette personne comme n’étant pas d’ici.

Derrière cette question — qui se veut au départ un acte de politesse, de curiosité ou même d’intérêt — peut se cacher une occasion de libeller des personnes, souvent sur la base d’idées préconçues et de les identifier de façon erronée. Si notre objectif est réellement d’apprendre à mieux les connaitre, nous pourrions plutôt découvrir leurs intérêts, leurs expériences, leurs passe-temps et leurs rêves.

Je suis fière de mon identité franco-ontarienne, même si j’ai quitté l’Ontario il y a plus de 20 ans, mais cette partie de mon identité, pour ceux qui souhaitent la connaitre, peut se révéler par d’autres questions, des questions plus simples et moins intrusives :

  • Mes lieux favoris, à Montréal, dans ma ville actuelle, ou ailleurs dans le monde
  • Les activités que j’aime pratiquer ou encore un bel endroit à découvrir dans mon quartier
  • Les écoles où j’ai étudié
  • Mes restaurants ou plats favoris

Ces sujets de discussion, sans chercher des informations trop personnelles, permettent de découvrir les intérêts de la personne à qui l’on parle! Souvent, les gens aiment parler de leurs cultures, de leurs identités linguistiques et culturelles.  Avec des questions plus générales, nos identités complexes se dévoilent.

Alors, la prochaine fois que vous me rencontrez, une question à propos de mes intérêts vous permettra de découvrir une petite partie de mon identité, qui elle pourrait dévoiler d’autres aspects de mon identité linguistique et ce, sans peut-être jamais même savoir d’où je viens!

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *